Les coutumes et règles d’étiquette dans les restaurants japonais reflètent la culture nippone du respect, de la politesse, de l’harmonie et de l’attention portée aux autres. Que l’on se trouve dans un restaurant traditionnel (ryōtei), un izakaya (bistrot japonais), un comptoir de sushi, ou une chaîne de ramen, certains comportements sont attendus pour honorer les traditions locales. Bien connaître ces usages permet non seulement de mieux s’intégrer, mais aussi de montrer un respect sincère envers la culture japonaise.
Avant le repas
- Salutation à l’entrée : en entrant, le personnel salue généralement d’un « irasshaimase », signifiant « bienvenue ». Il n’est pas nécessaire de répondre, un sourire ou un hochement de tête suffit.
- Déchaussement : dans les restaurants traditionnels avec tatami, il est d’usage d’enlever ses chaussures avant d’entrer dans la salle de repas. Des chaussons peuvent être fournis.
- Placement : le placement à table est généralement décidé par le personnel. Dans un groupe, l’ordre des places peut obéir à une hiérarchie tacite : les personnes les plus importantes ou les plus âgées sont invitées à s’asseoir le plus loin de l’entrée, la place dite kamiza, tandis que la place près de la sortie (shimoza) est réservée à la personne la moins gradée ou au convive chargé de commander. Dans les restaurants avec des tables basses (zashiki), on s’assied en position seiza (à genoux) ou jambes croisées si l’on est moins formel. Des coussins appelés zabuton sont souvent fournis.
- Serviette chaude (oshibori) : une serviette chaude ou humide est généralement offerte pour se laver les mains. Elle ne sert pas au visage ni au cou.
- Commande : Au Japon, il est mal vu d’interpeller bruyamment un serveur. On attend poliment qu’il passe à proximité ou on l’appelle d’un discret sumimasen (excusez-moi). De plus en plus de restaurants proposent des systèmes de commande électroniques, particulièrement dans les chaînes ou les restaurants de sushi à tapis roulant (kaitenzushi). Il est courant de partager plusieurs petits plats au centre de la table. Le respect des préférences et restrictions alimentaires des autres est pris en compte lors de la commande collective. Il est courant de commander les plats au fur et à mesure, surtout dans les izakaya. Il est poli d’attendre que tout le monde soit servi avant de commencer à manger.
Pendant le repas
- Expression de gratitude : avant de manger, on dit « itadakimasu », exprimant la reconnaissance envers la nourriture, le cuisinier et la nature. À la fin, on dit « gochisōsama deshita », pour remercier du repas.
- Utilisation des baguettes (hashi)
Les baguettes sont centrales dans l’étiquette de table. Leur mauvaise utilisation peut être perçue comme irrespectueuse. Voici quelques règles importantes :
- Ne jamais planter ses baguettes verticalement dans le riz : cela rappelle un rite funéraire.
- Ne pas les croiser sur la table.
- Ne pas pointer quelqu’un avec ses baguettes.
- Ne pas se passer de la nourriture baguette à baguette : cela évoque les rites de crémation.
- Ne pas pointer, remuer, ni jouer avec ses baguettes.
- Utiliser le bout opposé des baguettes pour prendre de la nourriture dans un plat partagé.
- Bols et assiettes : il est courant de soulever les petits bols (riz, soupe) pour les rapprocher de la bouche, mais pas les grandes assiettes.
- Manger bruyamment : dans le cas des nouilles (ramen, soba, udon), aspirer bruyamment est acceptable, voire signe d’appréciation.
- Ne pas se moucher : On ne se mouche jamais à table, ni bruyamment en public.
- Servir l’alcool : il est poli de servir ses voisins, surtout les personnes plus âgées. Ne jamais se servir soi-même en premier. On attend souvent que tout le monde ait été servi avant de porter un toast avec un « kanpai ».
- Ordre précis : Les aliments sont souvent mangés dans un ordre précis pour apprécier au mieux les saveurs. Par exemple, on commence souvent par des goûts légers avant de passer aux plats plus riches.
- Utilisation de condiments : le wasabi ne se mélange pas au soja dans les restaurants traditionnels de sushi. Il est placé directement sur le poisson.
- Utilisation de la serviette : le oshibori n’est pas une serviette de table. Les mouchoirs ou papiers sont parfois fournis pour cela.
Paiement
- Addition : elle n’est généralement pas apportée à table. On demande souvent discrètement « okaikei onegaishimasu ».
- Paiement à la caisse : le paiement se fait à l’entrée, jamais à table, sauf dans les établissements modernes.
- Espèces : encore très utilisées, surtout dans les petits restaurants. Les cartes sont acceptées dans les grandes chaînes.
- Pourboire : les pourboires sont inhabituels et peuvent être considérés comme une insulte. Le service est inclus dans le prix.
- Salutations : À la sortie, le personnel salue avec de nombreuses formules de remerciement : arigatō gozaimashita, mata okoshi kudasai, etc.
Comportement général
- Silence et respect : on évite les voix fortes ou les rires bruyants. L’atmosphère doit rester paisible.
- Téléphone portable : on évite de parler fort ou de répondre au téléphone à table. Il est poli de s’éloigner si nécessaire.
- Fumer : certains établissements autorisent encore la cigarette. Des zones fumeurs sont parfois prévues.
- Photographies : il est préférable de demander avant de photographier les plats ou l’intérieur, surtout dans les restaurants haut de gamme.
Cas particuliers
Restaurants de sushi
Dans les sushiya, on peut manger les sushi à la main ou avec des baguettes. Le sushi se trempe légèrement du côté poisson dans la sauce soja, jamais du côté riz. Il est apprécié de dire osusume wa arimasu ka ? (avez-vous une recommandation ?) pour laisser le chef suggérer les meilleurs produits du jour.

Izakaya
Les izakaya sont des tavernes où l’ambiance est plus décontractée. On y commande plusieurs petites assiettes à partager, souvent accompagnées de boissons. Il est fréquent d’y pratiquer le kanpai (toast collectif), et l’ambiance peut y être plus animée.

Kaiseki
Dans un repas traditionnel kaiseki, l’étiquette est extrêmement codifiée. Chaque plat a une signification symbolique et suit une progression minutieuse. Il convient de faire preuve de gratitude et de retenue tout au long du repas.
Symbolisme culturel
- Omotenashi : concept japonais de l’hospitalité sincère, invisible mais présente à chaque étape du service. Le client est traité avec bienveillance, sans attendre de contrepartie.
- Harmonie et modestie : les interactions autour de la nourriture doivent rester sobres et respectueuses, valorisant le collectif plus que l’individu.
- Esthétique : la présentation des plats, la vaisselle et le cadre relèvent d’un art. Manger avec les yeux est une partie essentielle de l’expérience.
Les règles d’étiquette dans les restaurants japonais ne sont pas simplement des conventions sociales ; elles traduisent des valeurs fondamentales :
- Le respect de l’autre, de la nourriture, et du service.
- L’harmonie sociale (wa), où chacun agit avec discrétion et bienveillance.
- La gratitude envers la nature, les producteurs et les cuisiniers, exprimée dans les formules de politesse.
Conclusion
Maîtriser l’étiquette japonaise dans les restaurants est une manière de s’immerger dans un art de vivre où chaque geste a du sens. C’est aussi une marque de respect profonde pour un pays où la gastronomie est une expression culturelle aussi raffinée qu’intime.
Manger dans un restaurant japonais, c’est bien plus qu’un acte alimentaire : c’est une immersion dans un art de vivre basé sur l’humilité, le raffinement et le respect mutuel. Adopter les codes de l’étiquette japonaise, même partiellement, permet non seulement de s’intégrer plus harmonieusement, mais aussi de mieux apprécier la profondeur culturelle de la cuisine nippone.
Repas d’affaires
Au Japon, les repas d’affaires sont plus qu’un simple moment de convivialité : ils jouent un rôle crucial dans la création de liens de confiance, la consolidation des relations professionnelles et la démonstration de respect mutuel. L’étiquette durant ces repas est particulièrement stricte et reflète les codes culturels japonais d’humilité, de hiérarchie et de politesse. Le respect des conventions lors de ces occasions contribue à la réussite des négociations et à la qualité des échanges professionnels.
Choix du lieu et organisation
Le choix du restaurant est souvent effectué par l’hôte japonais, qui sélectionne un établissement adapté au rang des invités et à la nature de la relation professionnelle. Il s’agit souvent de restaurants traditionnels (ryōtei), de kaiseki ou de restaurants spécialisés de haut niveau, mais les izakaya peuvent être choisis pour des échanges plus informels.
- Le supérieur hiérarchique ou la personne qui invite s’assure que le restaurant respecte le statut des invités.
- Il est habituel de réserver à l’avance et de demander une salle privée (ko-shitsu) pour plus de discrétion.
Arrivée et placement à table
- L’invité arrive à l’heure exacte ou légèrement en avance. Le retard est très mal vu.
- L’hôte conduit l’invité jusqu’à la table. Il est de bon ton de le suivre avec discrétion.
- Le placement suit une hiérarchie stricte :
- La place la plus prestigieuse (kamiza) se trouve la plus éloignée de l’entrée, réservée à l’invité d’honneur.
- L’hôte s’assied à la place la moins prestigieuse (shimoza), près de la sortie.
Il est recommandé de ne pas s’asseoir avant que l’hôte ne vous y invite.
Début du repas et formules de politesse
Le repas commence avec les salutations d’usage :
- Hajimemashite (« Enchanté de faire votre connaissance ») si c’est la première rencontre.
- Yoroshiku onegaishimasu pour exprimer son souhait de bonnes relations.
- Avant de manger, tous les convives disent itadakimasu en joignant légèrement les mains.
Dans un contexte d’affaires, l’échange de cartes de visite peut précéder ou suivre le repas, mais si c’est avant de s’asseoir, il se fait debout avec révérence, à deux mains, et dans un ordre hiérarchique.
Service et consommation de boissons
Les boissons jouent un rôle social important dans le contexte professionnel :
- Il est d’usage de ne pas se servir soi-même, mais de remplir le verre de l’autre.
- Il convient de tenir la bouteille à deux mains en servant un supérieur.
- Lorsque l’on vous sert, il est poli de lever légèrement son verre avec les deux mains.
Le kanpai (toast) ouvre généralement le repas. On attend que l’hôte prononce kanpai avant de boire. Il est impoli de commencer à manger ou à boire sans cette initiation collective.
Comportement à table
Un repas d’affaires exige une retenue plus grande que dans un cadre amical ou familial.
- On évite de parler avec la bouche pleine ou de faire du bruit, sauf pour les nouilles, où un léger slurp reste acceptable.
- Le ton de la voix est mesuré. Les sujets de conversation évitent la politique, les critiques ou les sujets personnels.
- On attend que tout le monde ait été servi pour commencer à manger.
- On utilise ses baguettes avec respect :
Si le repas est de type kaiseki, chaque plat a une signification symbolique et suit une progression. Il convient d’en respecter le rythme, de complimenter discrètement le chef ou l’hôte sur la qualité des mets.
Relations hiérarchiques et communication
Le respect des rangs professionnels est fondamental :
- Le supérieur hiérarchique parle en premier, initie les sujets de conversation, et les autres participants acquiescent, reformulent ou complètent.
- L’invité occidental est souvent observé quant à sa capacité à lire les signaux sociaux implicites (hara gei).
- Il faut éviter les blagues trop franches, les critiques directes ou l’interruption d’un supérieur.
Faire preuve d’écoute active, de modestie et de gratitude est essentiel pour renforcer la relation professionnelle.
Fin du repas et paiement
- L’hôte règle l’addition discrètement à la caisse. Il est impoli de s’opposer fermement à cela ou de proposer une participation. Cependant, on peut exprimer un geste symbolique de remerciement (gochisōsama deshita).
- Si l’on est invité, il est d’usage de remercier avec des formules comme kyo wa arigatō gozaimashita (« Merci pour aujourd’hui ») ou totemo oishikatta desu (« C’était très délicieux »).
- À la sortie, des saluts répétés sont fréquents, parfois accompagnés d’une brève conversation en marchant vers la sortie.
Symbolisme culturel
Les repas d’affaires reflètent la structure hiérarchique japonaise et l’importance accordée à l’harmonie relationnelle (wa). Ils ne sont pas un lieu de négociation directe mais de renforcement de la confiance (shinrai), préalable à toute discussion sérieuse.
- Offrir un repas de qualité équivaut à une marque d’honneur.
- Respecter les codes prouve son adaptabilité culturelle.
- Le silence ou les silences partagés ne sont pas un malaise, mais un signe de respect.
Conclusion
Maîtriser les codes des repas d’affaires japonais est essentiel pour développer des relations professionnelles durables et respectueuses. Chaque geste, chaque parole a une signification implicite, et la discrétion est souvent plus éloquente qu’un discours direct. Pour un étranger, faire preuve de curiosité respectueuse et de politesse attentive suffit souvent à marquer des points. Cela montre non seulement de la considération, mais aussi une volonté sincère de s’intégrer aux valeurs profondes de l’interlocuteur.